Shulamith Firestone

Shulamith_FirestoneShulamith Firestone  1945 – 2012

Féministe radicale canadienne. Membre fondatrice des New York Radical Women, des Redstockings et des New York Radical Feminists.
Elle s’est retirée du militantisme au début des années 1970 pour se consacrer à la peinture.
A publié, en 1970, The Dialectic of Sex: The Case for Feminist Revolution.
La dialectique du sexe, Stock, 1972

« Shulie »– pour ses camarades militantes – avait compris et démontré avant et mieux que nous toutes, que nous avions besoin d’un mélange de théorie, d’action, d’organisation, de connaissance de l’histoire et, en plus de cela, de leadership reconnu – tout cela en même temps. »  Shulamith Firestone . . . who lit so many sparks of the wonderful 1960s Women’s Liberation explosion and beyond.

Documents en ligne

De
On activism and the media
Pour l’abolition de l’enfance
The Jeanette Rankin Brigade: Woman Power?
The Women’s Rights Movement in the U.S.A.: New View
Sur
Death of a Revolutionary Susan Faludi The New Yorker 15 avril 2013

Le Mouvement pour le Droit des Femmes aux U.S.A : Un nouveau Regard

Texte original : The Women’s Rights Movement in the U.S.A.: New View
Publié à l’origine dans Notes from the First Year New York: The New York Radical Women, 1968 accessible sur le site des redstockings  après inscription pour l’accès aux archives

Qu’est-ce qu’évoque le mot « féminisme »? Une vieille fille au visage sévère obsédée par le droit de vote? Ou une George Sand en pantalon, avec cigare, une femme contre nature? Il y a des chances pour que, quelle que soit l’image que vous en avez, elle soit négative. Être appelée une féministe est devenu une insulte, si bien que toute jeune femme intellectuelle, souvent radicale dans tous les autres domaine, niera avec véhémence être féministe. aura honte d’être associée d’une manière ou d’une autre avec le récent mouvement des femmes, le qualifiera de faux-problème ou réformisme, ou le dénigrera politiquement sans même savoir quoi que ce soit sur ce qu’il veut. D’ailleurs, les quelques historiens du mouvement pour le droit des femmes se plaignent que les archives ont été perdues, endommagées ou dispersées, du fait du peu de valeur qu’on leur a accordée. Quiconque a fait des recherches sur le sujet sait combien peu d’information est disponible et combien l’information existante est superficielle, orientée et entièrement mensongère.

Je voudrais avancer une raison pour cela. La thèse de cet article est que les droits des femmes (la libération, si vous préférez) a un potentiel ; que le mouvement pour les droits des femmes du dix-neuvième siècle 1 était en réalité un mouvement radical dès le début, qu’il était lié avec les mouvements et les idées les plus radicales du moment et que même lors de sa fin amère en 1920, il existait un fort courant radical qui a été délibérément ignoré et enterré. Pour en faire la démonstration, nous devons déterrer et réexaminer totalement l’histoire entière du mouvement pour les droits des femmes aux USA, de mesurer ce qu’il représentait en termes politiques et de comprendre les intérêts politiques et économiques des déformations des faits.

Le premier mouvement des femmes était radical. Souvenez-vous que attaquer la Famille, l’Église et la Loi n’était pas rien à l’époque victorienne. Peu de gens réalisent l’aspect populaire de ce mouvement ni ne connaissent les voyages tortueux effectués par des femmes toute entières dévouées au mouvement dans des bois jouxtant les frontières, et du porte-à-porte pour discuter des problèmes ou rassembler des signatures pour d’incessantes pétitions dont on se moquait aussitôt dans les assemblées. Durant ces jours, les maigres finances dont disposait le mouvement ne provenaient pas de riches donneurs mâles, mais étaient les pièces de cinq et dix cents de ménagères et lavandières. Dès l’origine, le mouvement pour le droit des femmes s’est identifié avec les femmes de la classe ouvrière. Susan B. Anthony 2, Elizabeth Cady Stanton 3 , et quelques autres, les plus militantes du mouvement, ont participé comme déléguées à la National Labor Union Convention dès 1868, avant que ne réussisse toute tentative d’organiser le travail des femmes. D’autres organisatrices syndicalistes pionnières comme Kate Mullaney 4 ou Augusta Lewis 5, étaient des féministes. Pour ne pas citer les origines radicales mieux connus du mouvement pour le droit des femmes dans le mouvement abolitionniste et dans les idées de femmes radicales, telles que Fanny Wright 6 ou les soeurs Grimke 7. Le mouvement a été construit par des femmes qui n’avaient littéralement pas d’existence légale selon la loi, qui était décrétées mortes civilement après le mariage et qui restaient des mineures devant la loi si elles n’étaient pas mariées, qui ne pouvaient même pas signer leur propre testament ou avoir la garde de leurs enfants en cas de divorce, que l’on autorisait pas à être scolarisées du tout, encore moins à suivre des études supérieures, qui étaient, au mieux, armées d’un petit savoir en broderie. Le français et le clavecin comme seule éducation politique, sans aucun statut ni arme politique. Et pourtant aujourd’hui, nous nous souvenons à peine qu’il y a un siècle, même après la guerre de sécession, plus de la moitié de la population de ce pays était encore esclave aux yeux de la loi, des femmes qui devant elle, ne possédaient même pas les vêtements qu’elles avaient sur le dos.

En réalité, dès le début, le mouvement des femmes a été lié aux forces anti-esclavage dans ce pays. Suite à leur engagement dans le mouvement abolitionniste, de nombreuses femmes ont pris conscience de leur propre esclavage. C’est encore plus ironique que la première Convention pour le Droit des Femmes eut lieu à Seneca Falls en 1848 après la colère ressentie par Lucretia Mott et Elizabeth Cady Stanton lorsqu’on leur a refusé d’assister à la Convention Internationale contre l’esclavage en Angleterre en 1840.

Aujourd’hui encore, les femmes commencent à se mettre en mouvement suite à l’inspiration et à l’élan communiqués par le mouvement pour les droits civiques des années soixante. Et, en réalité, la lutte des noirs et la lutte féministe semblent toujours avancer de façon parallèle dans ce pays. Les deux ont avorté, leur énergie épuisée, à peu près en même temps, et ce n’est que récemment qu’elles ont commencé à se demander ce qui était arrivé, à analyser ce qui s’était mal passé et pourquoi.

Et, tout comme pour l’histoire des noirs, il existe un blanc suspect dans les livres d’histoire lorsqu’il s’agit du mouvement pour les droits des femmes, une des plus grandes luttes pour la liberté que ce pays a connu. On apprend aux petites filles à croire que tous leurs droits ont été gagnés il y a longtemps de cela par une bande de dames loufoques qui confectionnaient et portaient des pancartes ridicules, tout cela pour mettre un bout de papier dans une urne.

Pourquoi? Pourquoi ces petites filles sont-elles familiarisées avec Louisa May Alcott plutôt qu’avec Margaret Fuller, avec Scarlett O’Hara et pas Myrtilla Miner, avec Florence Nightingale et non Fanny Wright. Pourquoi n’ont-elles jamais entendu parler des sœurs Grimke Sisters, de Sojourner Truth, Inez Milholland, Prudence Crandall, Ernestine Rose, Abigail Scott Duniway, Harriet Tubman, Clara Lemlich, Alice Paul, et de beaucoup d’autres dans une liste de personnes exceptionnelles et courageuses? Quelque chose est louche lorsque à peine cinquante ans après que le droit de vote a été acquis, l’ensemble du mouvement pour le droit des femmes est en grande partie oublié, et que seules s’en souviennent quelques vieilles dames excentriques.

Puis-je en suggérer la raison pourquoi l’histoire des femmes a t-elle été étouffée tout comme l’histoire des noirs, si bien que les enfants noirs n’apprennent rien de Nat Turner 8 mais tout sur Ralph Bunche 9, George Washington Carver 10 et consorts.

Et c’est parce que un vrai mouvement des femmes est dangereux. Dès le début, il dénonce la structure du pouvoir masculin blanc dans toute son hypocrisie. Son existence même et sa longévité était la preuve d’une inégalité massive à grande échelle dans un système qui se prétendait être une démocratie. A la fois le mouvement abolitionniste et le mouvement pour les droits des femmes, travaillant parfois ensemble, parfois séparément, menaçaient de déchirer le pays et fut près de le faire durant la guerre de sécession (Si les féministes alors n’avaient pas été persuadées d’abandonner leur cause pour des questions « plus importantes », c’est à dire des questions d’hommes, l’histoire du mouvement pour les droits des femmes aurait pu être différente.)

L’histoire de la lutte pour le droit de vote seule est un récit absolument incroyable d’un combat becs et ongles des forces les plus réactionnaires d’Amérique. L’effort demandé pour obtenir le droit de vote a été ahurissant. Carrie Chapman Catt 11 a estimé que : obtenir le retrait du terme « homme » de la constitution a coûté aux femmes de ce pays 52 ans de campagne continue. Durant ce temps, elles ont été obligées de mener 56 campagnes de référendums auprès des électeurs masculins, 480 campagnes pour obtenir du corps législatifs qu’il soumette des amendements pour le droit de vote auprès des électeurs, 47 campagnes pour obtenir des conventions dans les états pour qu’ils inscrivent le droit de vote des femmes dans leur constitution, 277 campagnes pour obtenir que les conventions de partis incluent un article sur le droit des femmes, 30 campagnes pour obtenir que les conventions présidentielles des partis adoptent des articles sur le droit de vote des femmes et 19 campagnes auprès de 19 congrès successifs.(Carrie Chapman Catt and Nettie Rogers Shuler, Women suffrage and politics, New York, 1923, Chas. Scribners Sons, pg.107)

La défaite était si fréquemment aride et la victoire si rare et dans ce cas, arrachée à la force des dents que même lire sur ce sujet est exténuant, sans parler de l’avoir vécu ou de s’être dévouée à la lutte.

Nous devons nous poser la question. Le chauvinisme masculin est-il le seul responsable? Il a certainement joué un grand rôle, peut-être à la base de toutes les autres forces qui ont fait obstacle au mouvement. Souvenez-vous qu’à cette époque, le pouvoir masculin était autant tenu pour acquis que ne l’était à une époque le droit divin des rois, qu’il était si établi, si indiscutable et absolu que même les demandes pour les réformes les plus infimes étaient dangereuses et étaient considérées comme ridicules par ceux au pouvoir.

Il n’y avait pas que cela, cependant. Eleanor Flexner, dans Century of Struggle (Atheneum, Harvard U. Press) examine les forces contre le droit de vote qui l’ont combattu tout ce temps. Elle trouve plusieurs institutions qui y étaient impliquées :

1 Le capitalisme: Les grands états industriels du nord furent parmi les derniers à renoncer. Les lobbies du pétrole, de l’industrie manufacturière et des compagnies ferroviaires travaillaient en secret contre le droit de vote, non seulement parce que les intérêts des grands débitants de boissons étaient menacés par une alliance entre la Women’s Christian Temperance Union et la cause du droit de vote, mais aussi parce que le mouvement pour le droit des femmes avait été, dès le début, identifié avec les réformes syndicales, et le « socialisme insidieux » en général. N’oublions pas que les femmes étaient encore un réservoir de main d’œuvre à bon marché. Le droit de vote aurait pu aller à l’encontre de cela. ( Un fait intéressant que Flexner met en évidence à ce sujet est que les comités de femmes contre le droit de vote était un front féminin en faveur des intérêts de la grande finance. Des documents montrent que les 4/5 de leur fonds venaient d’HOMMES, généralement grâce à des sommes substantielles. Nous pouvons dire que les femmes de ces groupes ont été les premières Tantes Tom organisées.)

2 Le racisme: Le second grand bloc à combattre le droit de vote des femmes jusqu’au bout était, vous l’avez deviné, les états du sud. A cette époque, ils affirmaient ouvertement le rapport entre la lutte des noirs et celle des féministes, rapport mieux dissimulé aujourd’hui. Car accorder le droit de vote aux femmes n’aurait pas seulement affranchi une autre moitié des noirs mais aurait attiré l’attention sur le fait que le droit de vote n’était pas universel. Avec 51% de la population épiant la corruption dans les urnes, le quatorzième amendement, tout comme le dix-neuvième, auraient pu être respecté. 12

3 Le Gouvernement: « Les appareils politiques doutaient de leur capacité à contrôler l’arrivée d’un nouvel électorat qui semblait relativement imperméable à la corruption, qui était militant et qui voulait à tout prix des réformes comme l’abolition du travail des enfants, et pire que tout, assainir la politique. » Flexner, Op. Cit., p. 299

4 L’église et la famille: Aucune des autres causes citées n’est peut-être aussi profondes que celle-ci. Le judéo-christianisme a toujours défendu l’infériorité de la femme, en se référant à la Genèse pour prouver la nature séductrice de la femme, son rôle spécifique, sa mission d’être féconde et de se multiplier, et après l’Éden, de se multiplier dans la douleur et la soumission à l’homme.

La cellule familiale basée sur la responsabilité de la femme pour élever les enfants, sur la suprématie masculine et donc sur sa soumission à l’autorité de l’homme et une sexualité avec deux poids, deux mesures, était dangereusement menacée par toute discussion la remettant en cause. Après tout, qui pouvait savoir, à cette époque, que le mouvement pouvait être arrêté en accordant seulement des libertés partielles et de substitution ? Ils avaient clairement réalisé que, suivre les femmes sur la question des droits entraînerait l’abolition des structures familiales traditionnelle, qui accordaient assurément à ces hommes de nombreux avantages.

5 La loi: La façade qui faisait appliquer et garantissait le statut quo. Donc le potentiel révolutionnaire du Woman Power était reconnu par les hommes au pouvoir comme la menace réelle pour leur système, et, comme cela arrive si souvent, celle-ci était mieux reconnue par ses adversaires que par certaines de ses partisanes. Même avec le tournant conservateur de la Suffrage Association, plus tard, dans son obsession à obtenir le droit de vote à n’importe quel prix, et dans son zèle, à assurer pratiquement le pouvoir masculin que si les femmes obtenaient le droit de vote, elles ne L’UTILISERAIENT PAS, le système n’était pas convaincu. Il a fallu 53 ans après le premier référendum sur le droit de vote au Kansas en 1867 jusqu’à la ratification définitive du dix-neuvième amendement en 1920. Et même alors, il y a eu tellement de temporisation que, du 10 janvier 1918, lorsque l’amendement a été finalement voté (par la majorité exacte requise des 2/3 ) il a fallu deux ans et neuf mois pour qu’il soit ratifié. Et par seulement un écart miraculeux de deux voix. Lorsque tout le reste avait échoué, la minorité vaincue avait essayé, dans une tactique désespérée, de traverser la frontière de l’ Alabama pour empêcher le quorum jusqu’à ce qu’elle puisse renverser le vote majoritaire.

Mais même lorsque ces forces semblèrent abandonner, elles ne le firent qu’en apparence. Elles n’ont jamais été vaincues. Car, à cette époque, la multiplication des campagnes, le rassemblement et la concentration de toutes les énergies pour l’objectif limité du droit de vote (qui avait été au début seulement considéré comme un préalable, une arme avec laquelle obtenir un réel pouvoir politique)) avaient épuisé le mouvement. Le monstre du droit de vote avait avalé tout le reste. Trois générations étaient nées et reparties, les organisatrices principales étaient toutes mortes. Les dernières femmes qui s’étaient jointes au combat pour la question précise du droit de vote n’avaient jamais eu le temps de développer une conscience plus large, de considérer dans quoi il s’intégrait. A l’époque, elles ne se souvenaient guère qu’il y avait d’autres choses à combattre. Au moment ou le mouvement pour le droit de vote se désagrégea, le mouvement pour les droit des femmes disparut. L’opposition avait gagné.

Car quel est la valeur du vote, en fin de compte, si l’électrice est manipulée. Tous les maris savent qu’ils ne vont pas perdre une voix mais en gagner une. Aujourd’hui, une cinquantaine d’années après, les femmes votent encore comme épouses, tout comme elle gouvernent comme des épouses. Lurleen Wallace 13 a symbolisé la condition politiques des femmes pantins dans ce pays. Margaret Chase Smith a été la seule femme sénatrice élue indépendamment de toute relation avec un mari ou un père. Et où sont les femmes maires? En 1968, Jackie Kennedy, a, à juste titre, dit à un journaliste que « dans ma famille, on laisse la politique aux hommes, » alors que Lady Bird, 14 la première dame du pays représente un modèle exemplaire aux jeunes dames pour son intérêt envers les tenues de Jeannot Lapin et les belles autoroutes.

Même si le fait que un tiers des femmes travaille est souvent cité comme preuve de progrès, elles travaillent au pire sens du terme; c’est à dire qu’elles ont ajouté un nouvel exploiteur à l’ancien. Car elles sont limitées aux emplois de service, au plus bas barreau de l’échelle sociale, des boulots que personne d’autres ne voudraient occuper. Quant aux salaires, les derniers chiffres montrent que même les ouvriers noirs gagnent plus.

Le salaire moyen d’une femme est d’environ 2 827$, un peu plus de la moitié de celui d’un homme (4 466$). En dépit des histoires sur les femmes d’affaires vachardes, combien de femmes d’affaires avez-vous vu? Combien de femme à des postes de gestion ou de direction? Combien comme professeurs d’universités? Quatre-vingt dix pour cent des postes sont encore occupés par des hommes. Les opportunités universitaires n’augmentent pas mais diminuent; même les universités et les revues pour femmes sont dirigées par des hommes. Et personne ne mentionne jamais le fait que les perspectives futures semblent encore plus bouchées. Les boulots routiniers qui ont été accordés aux femmes, une sucette pour apaiser leur faim d’un vrai travail utile, seront les premiers à disparaître avec l’ automation. Peut-être que les hommes auront ce qu’ils veulent après tout, et les femmes retourneront à la maison, qu’elles n’auraient jamais dû quitter.

Qu’est ce qui a mal tourné? Pourquoi le mouvement pour le droit des femmes a-t’il échoué?

1. En vendant la cause pour des « questions plus importantes »: Les femmes, plus que tout autre groupe opprimé, se sont laissées facilement convaincre que leur lutte devait être différée pour des « questions plus importantes. » Cela est peut-être du au conditionnement spécifique que les femmes subissent depuis la nuit des temps pour plaire plutôt que de déranger – pour placer les intérêts des hommes et des enfants avant les leurs. Quelle qu’en soit la raison, beaucoup d’entre elles ont trop souvent vendu leur cause.

D’abord, durant la guerre de sécession, le dos du solide petit mouvement pour les droits des femmes a été brisé lorsque les femmes ont été dirigé vers les emplois pour l’effort de guerre. A la fin de la guerre, le mouvement a du être reconstruit à partir de rien. Seules, les féministes les plus ardentes ont insisté pour que le terme de SEXE ainsi que celui de COULEUR apparaissent dans le quatorzième amendement. Les abolitionnistes, qui avaient été heureux d’accepter l’alliance avec les femmes pendant tout un temps, décidèrent soudainement que, maintenant c’était « l’heure des noirs, » – que la cause des femmes était trop secondaire pour retarder d’une minute toute avancée dans la libration des noirs. Inutile de dire qu’ils avaient oublié que la MOITIE de la race noire était des femmes, alors ils vendirent leur propre cause en même temps. Une fois de plus, était prouvé le principe que à moins que les groupes opprimés ne s’assemblent, dans une alliance défendant les intérêts de tous plutôt que de privilégier le plus important, rien ne sera accompli dans le long terme pour démanteler les appareils d’oppression. Aussi longtemps qu’ils agiront sur un groupe, il pourra être utilisé aussi aisément contre un autre.

Plus tard, durant la première guerre mondiale, il se passa la même chose. La plupart des suffragettes se sont pliées en quatre pour prouver leur patriotisme. Elle furent perméables à l’accusation de se préoccuper davantage de leurs propres intérêts que du bien de la nation. Seules, les militantes gardèrent le cap, ne mentionnant la guerre qu’à travers des slogans tels que « la liberté commence à la maison. » Elles furent naturellement vilipendées et vouées aux gémonies pour cela. Mais elles avaient raison en pensant que si elles abandonnaient maintenant, elles n’obtiendraient jamais le droit de vote. Pour une fois, on avait besoin d’elles comme main d’œuvre. C’était seulement temporaire pour « l’effort de guerre » et elle étaient d’une certaine manière en position de force.

Elle savaient que personne ne pourrait remettre en cause leur patriotisme, alors que après la guerre on aurait droit à l’habituel retour de bâton réactionnaire, la tentative de les faire retourner à la maison. Et, de fait, ce n’est pas un hasard si l’amendement a été voté en fin de compte juste avant la fin de la guerre en 1918.

A ce sujet,nous devons nous souvenir que les révolutions, partout sont toujours heureuses d’obtenir toute l’aide qu’elles peuvent, même des femmes. Mais, à moins que les femmes ne se servent aussi de la révolution pour défendre leurs propres intérêts autant que ceux des autres, à moins de ne pas faire savoir très clairement que toute l’aide apportée un moment devra être payée de retour, aujourd’hui comme après la révolution, elles seront trahies encore et encore, tout comme elles le furent en Algérie.

2. En s’organisant sur une cause spécifique plutôt que de s’organiser pour éveiller les consciences en général. Beaucoup de syndicalistes vivent avec l’illusion qu’ils peuvent « se servir » d’une question « chaude » déjà existante pour défendre leur propre cause. Je pense que c’est un faux espoir, qu’en fait, cela ne gagne ni du temps ni des efforts, mais que cela peut retarder un mouvement ou même le détruire. Atteindre les gens « là où ils sont » lorsqu’ils sont à la mauvaise place est une approche erronée. Nous devrions plutôt nous préoccuper de les éduquer sur le long terme sur les vraies questions. Si il s’agit de VRAIES questions, ils comprendront assez vite.

L’alliance avec la Women’s Christian Temperance Union a été un exemple de ce genre d’échec au sein du mouvement pour les droits des femmes. Après la guerre de sécession, lorsque la base solide du mouvement a été brisée, il a paru opportun d’utiliser n’importe quelles organisations de femmes existantes pour défendre leurs causes authentiques. Les féministes les plus ardentes étaient opposées à cette alliance. D’autres, Frances Willard notamment, prétendaient qu’elles pouvaient « utiliser » la question de la tempérance pour faire avancer les droits des femmes puisque la tempérance était la question sur laquelle « les femmes étaient ». Cela n’a pas seulement échoué, mais a repoussé la le droit de vote de cinquante ans. Une fois que le mouvement pour les droits des femmes est devenu associé dans l’esprit des gens à la question impopulaire de la tempérance, (impopulaire à juste titre, ajouterais-je), une fois associé avec non pas l’idée de femmes plus libres, mais avec celle d’une Mère corsetée et moralisatrice, après que les intérêts des gros producteurs de boissons alcoolisées ont pris le dessus… et la suite appartient à l’histoire.

Une fois encore, Stanton et Anthony firent une erreur en associant leur National Suffrage Association féministe radicale avec la timide et provinciale American Suffrage Association. La première s’intéressait seulement au droit de vote comme moyen d’atteindre des objectifs plus larges. Elle était opposé à tout type de droit de vote partiel et privilégiait à la place les moyens de pression sur Washington pour amender la Constitution. Mais Stanton et Anthony devenaient âgées et, avec beaucoup d’hésitations, elles s’associèrent finalement avec la American « mieux organisée », une association à but spécifique, qui se consacrait uniquement au droit de vote et travaillait sur le plan national. Une fois encore, elles auraient pu économiser cinquante ans.

Une fois qu’avait été ôtée la pression sur Washington, la question du droit de vote est passée aux oubliettes pendant des années, jusqu’à ce que Harriet Stanton Thatch, la fille de Elizabeth Cady Stanton revienne d’Angleterre avec un ensemble de tactiques nouvelles en exerçant à nouveau une pression en faveur d’un amendement, une approche qui avait été mise en sommeil depuis l’époque de sa mère. Il faut aussi souligner que les nouvelles militantes n’étaient pas orientées vers une question spécifique comme leurs prédécesseures. Leur stratégie était meilleure parce qu’elles abordaient le problème sans crainte dans une perspective plus large.

Nous pouvons voir comme ce principe opère aussi sur le plan international. Les femmes dans les situations ou dans des pays socialistes, comme les kibboutz ou la Russie, ont été utilisées à des fins économiques, mais du fait qu’un immense éveil de la conscience ne s’est pas produit pendant la période révolutionnaire, et parce qu’elles étaient trop préoccupées par LA révolution et non pas par LEUR révolution, parce que leur considération d’elle-même n’avait pas radicalement changé mais avait été seulement modifié sur certaines QUESTIONS telle que le travail, elles se retrouvèrent plus tard, non seulement pas plus libres qu’avant mais peut-être dans une situation pire encore. Elles avaient seulement ajouté quelques tâches nouvelles aux anciennes. Maintenant, elles travaillaient plus dur.

Je voudrais conclure de tout cela que, contrairement à ce que la plupart des historiens voudraient nous faire croire, les droits des femmes n’ont jamais été obtenus. Le mouvement ne s’est pas évanoui parce qu’il avait atteint ses objectifs mais parce qu’il avait été vaincu sur le fond et avait été mal guidé. Des SEMBLANTS de liberté apparaissent avoir été gagnés. Faisons en brièvement le tour:

1. La sexualité. Si il est exact que les femmes portent des jupes plus courtes qu’auparavant, je suggérerais que ce n’est pas tant dans leur intérêt que parce que les HOMMES les préfèrent ainsi. Après tout, des jeunes filles sont encore renvoyées des universités parce qu’elles portent des pantalons en hiver pour avoir chaud aux jambes. Les minijupes ne sont pas pratiques, demandent une attention constante en position assise, soulignent constamment leur connotation sexuelle. Les talons hauts, les gaines, les porte-jarretelles, le nylon et les autres artifices de la femmes moderne peuvent sembler plus naturels mais sont en fait, pour la plupart, aussi inconfortables que ne l’étaient les corsets et les bustiers. Les jeunes femmes d’aujourd’hui sont plus préoccupées que jamais par leur ‘image’. Et elles sont encore des objets sexuels. Seuls les styles ont changé.

Quant au sexe lui-même, j’avancerais que tous les changement ont été dans l’intérêt des hommes et non des femmes. Tous les avantages pour les femmes ont été accidentels. L’assouplissement des mœurs concernant le comportement sexuel des femmes ont été à LEUR avantage. Ils ont a obtenu une offre sexuelle plus importante à un coût plus bas, ou gratuitement. Mais leurs attitudes n’ont pas changé beaucoup depuis l’époque de la bonne vieille Prostituée Professionnelle.

2. Le travail.  Comme je l’ai mentionné plus haut, même si un tiers des femmes travaillent, elles occupent seulement les boulots de merde. Même lorsqu’elles gagnent autant que leurs maris, l’égalité du salaire ne leur garantit pas l’égalité du statut dans la famille; Au lieu de cela, elles sont considérées comme une « aide ». Et lorsqu’elles rentrent à la maison, il y a encore les tâches ménagères à faire, les enfants à s’occuper, la préparation du dîner (« Le travail des femmes n’est jamais fini. »)Alors, là encore, le changement a encore profité aux hommes. Parce que les femmes ont occupé les travaux subalternes qu’ils n’aimaient pas, les boulots pour lesquels elles n’avaient aucun goût et qu’elles délaisseront à tout moment pour se marier ou avoir des enfants, si ils le souhaitent (Alors il pourra argumenter en tant qu’employeur qu’il ne pouvait pas l’embaucher pour les tâches importantes ou lui donner un salaire égal à travail égal puisqu’elle avait changé de situation et venait de se marier.)

3. Les femmes et l’argent. C’est un sujet inépuisable et éternel: les femmes ont le contrôle de la bourse et achète ce qu’elles veulent. Mais les fabricants et les publicitaires en veulent ainsi, même si, en privé, ils sont les premiers à admonester leur petite femmes pour avoir dépensé tout cet argent. Ce n’est pas difficile à comprendre. Nous vivons dans une économie de consommation, qui a besoin en permanence pour survivre de consommateurs de produits inutiles. Quelle meilleure cible qu’une classe de personnes mal dans leur peau, semi-éduquées et semi-conscientes, qui ont aussi accès un tant soit peu à l’argent du budget? Ce n’est pas un hasard si les pages intérieures des journaux sont emplies de caricatures montrant des maris en colère engueulant la bonne femmes pour toujours faire des courses chaque fois qu’elle est mal dans sa peau. Alors imputons la faute à qui elle revient: au mari lorsqu’il est dans son bureau à faire des études de marché.

4. Les droits légaux. Un documentaire canadien sur le mouvement pour les droits des femmes, Women on the March 15, mentionne que la Cour Suprême canadienne a un jour décrété que, non, les femmes n’étaient PAS des personnes. Plus tard, il y a eu un grand ramdam lorsque la décision fut inversée. Voilà où nous en sommes. Maintenant, certains livres nous qualifient d’êtres humains, mais même si certains droits légaux ont été obtenus, comme pour les noirs, c’est une autre paire de manche que de les faire respecter dans les faits. Le plus souvent, ils sont dénaturés ou même utilisés comme prétextes à une exploitation plus sévère, par exemple, « Qu’avez vous fait maintenant qu’on vous a donné votre liberté ? »

Mais de tels progrès, si durement gagnés, et accordés avec une telle mauvaise grâce, se sont révélés être une grosse arnaque et on est enfin en train de s’en rendre compte. Il y a plusieurs enseignements à tirer de cette époque si nous ne voulons pas être sournoisement trompées une fois encore.

Pour récapituler brièvement:

1. Ne jamais faire de compromis sur les principes de base par opportunisme politique.
2. Militer pour des libertés spécifiques est inutile sans un éveil des consciences au préalable pour utiliser pleinement ces libertés.
3. Placer ses propres intérêts au premier plan, puis faire des alliances avec d’autres groupes opprimés. Demander une part du gâteau révolutionnaire avant que de mettre son poids dans la balance.

Note de l’auteure

1.Le mouvement pour les droits des femmes a été parfois confondu avec une de ses branches, le mouvement pour le droit de vote des femmes..

NDT

2.Susan Brownell Anthony, 1820 – 1906, militante américaine des droits civiques, et pour le suffrage des femmes, dont elle essaiera d’unifier les causes. (« Où, dans le cadre de notre déclaration d’indépendance, l’homme Saxon obtient-il le pouvoir de priver l’ensemble des femmes et des Noirs de leurs droits inaliénables ? » En 1868, Susan Anthony publie fonde un hebdomadaire, The Revolution, qui traite du droit de vote des femmes et des Afro-américains, En 1869, Susan Anthony et Élisabeth Cady Stanton fondent la National Woman Suffrage Association (NWSA)

3.Elizabeth Cady Stanton, 1815 – 1902. Féministe radicale américaine. A Londres à l’occasion de la Convention internationale contre l’esclavage de 1840, les femmes se voient obliger d’assister aux réunions derrière un rideau. Révoltée, elle crée avec d’autres, la « Convention des droits de la femme », à Seneca Falls (19 – 20 juillet 1848). Elle s’associe plus tard avec Susan Anthony.Auteure de The Woman’s Bible et de Eighty Years and More.

4.Kate Mullany (1845-1906) Syndicaliste américaine. Elle a organisé avec Esther Keegan et Sarah McQuillan le premier syndicat composé de femmes la Collar Laundry Union, en 1864.

5.Augusta Lewis 1848 – 1920, Journaliste et syndicaliste américaine, co-fondatrice de la New York Working Women’s Association avec Susan Anthony et Elizabeth Stanton
Voir sa biographie

6.Frances Wright (1795 – 1852) Féministe et abolitionniste d’origine écossaise. Voir What is the matter? A political address as delivered in Masonic Hall (1838)

7.Sarah Moore Grimké (1792–1873) et Angelina Emily Grimké (1805–1879) Abolitionnistes et féministes, filles de John Faucheraud Grimké, un planteur esclavagiste. Voir Appeal to Christian Women of the South Angelina Grimke New York: American Anti-Slavery Society, 1836 et Grimke Sisters

8.Nat Turner 1800 – 1831 Esclave noir pendu pour avoir organisé une rébellion en Virginie

9.Ralph Bunche (1904 – 1971) diplomate américain qui fut la première personne de couleur à recevoir le prix Nobel de la paix en 1950

10.George Washington Carver 1864 – 1943 Botaniste et agronome américain

11.Carrie Chapman Catt 1859 – 1947 journaliste, professeur et militante américaine pour le droit de vote des femmes, cofondatrice de la International Woman Suffrage Alliance

12. Le XIVe amendement à la Constitution des États-Unis d’Amérique, ratifié en 1868 stipule en particulier :« Section 1. Toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyen des États-Unis et de l’État dans lequel elle réside. Aucun État ne fera ou n’appliquera de lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des États-Unis ; ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière ; ni ne refusera à quiconque relevant de sa juridiction, l’égale protection des lois. ». Le dix-neuvième amendement donne le droit de vote aux femmes dans l’ensemble de l’Union. (18 août 1920)

13.Lurleen Wallace, 1926 – 1968 Femme politique démocrate américaine. Elle était l’épouse du gouverneur de l’Alabama, George Wallace à qui elle succéda comme première femme gouverneur de cet état.

14.Lady Bird Johnson, de son vrai nom Claudia Alta Taylor Johnson (1912 — 2007), femme du président, Lyndon Baines Johnson

15. Women on the march de Douglas Tunstell (1958)