Homestead III

bombardement

Chapitre VI

Pendant que les héros de la bataille du débarquement construisaient des barricades sur le terrain de l’usine et continuaient à tirer des coups de feu intermittents sur l’ennemi, on s’agitait dans le bureau du télégraphe au quartier général du comité directeur. Là, on avait installé un arsenal temporaire et des fusils et des munitions étaient distribués aux volontaires désireux de s’en prendre aux émissaires de Mr. Frick.

barricades

[…]

Comme la matinée s’avançait, les ouvriers commencèrent à se rendre compte que des moyens plus efficaces que les balles de fusils devraient être employés pour se débarrasser des barges et de leur odieuse cargaison. Les Pinkerton prenaient soin de ne pas s’exposer, sauf lorsqu’un d’entre eux plus téméraire que les autres entreprenait de faire une reconnaissance et émergeait de la proue d’une des deux barges. Comme cet exploit s’attirait invariablement une volée de balles, il n’était pas tenté fréquemment. Une cinquantaine de gardes, tous vétérans de l’agence Pinkerton, continuaient à faire feu régulièrement à travers les meurtrières découpées sur les flancs des barges, rendant dangereux pour les ouvriers de se montrer au delà des amas de ferrailles utilisés comme barricades. George Rutter, un membre ancien et respecté de la Amalgamated et de la Grand Army, perdit la vie en pariant sur la précision des tireurs des Pinkerton. Il fut touché à la cuisse et mourut quelques jours plus tard. John Morris, un autre ouvrier de l’usine, et Henry Striegel, un jeune homme qui était là comme simple sympathisant, connurent le même sort. Striegel se tua accidentellement lui-même avec son propre fusil et fut frappé par les tirs provenant des barges après être tombé.

Peu après 11H, le Little Bill revint vers le débarcadère, arborant le Stars and Stripes, le capitaine Rodgers pensant que les ouvriers n’oseraient pas tirer sur le drapeau national malgré qu’il flottât sur un navire hostile. Il fut rapidement détrompé. Des rafales successives furent tirées sur le petit navire à vapeur, brisant les vitres du poste de pilotage et faisant voler les éclats de bois dans toutes les directions. L’homme à la barre, Alexander McMichaels, dut abandonner son poste et courir se réfugier à l’intérieur. John T. McCurry, qui avait été embauché la veille comme vigie, sans être informé de la nature du travail, fut touché à l’aine et le capitaine Rodgers ne sauva sa vie qu’en se jetant à plat ventre sur le pont. Selon ce qui fut dit plus tard, le capitaine avait l’intention d’arrimer les deux barges et de les soustraire à leur situation périlleuse, mais il fut assez heureux de se sortir de là avec son propre bateau sans essayer de venir en aide aux autres.

Le Little Bill arriva au moment où la fuite des Pinkertons semblait sans espoir. Un groupe d’ouvriers désespérés avaient conçu l’idée d’incendier les barges et commencé à mettre le feu à un radeau composé de bois imbibé de pétrole qui descendait la rivière.

Un murmure d’angoisse s’éleva des barges lorsqu’apparut ce messager de mort descendant la rivière. Quelques hommes, au bord de la folie après la tension de la matinée et la menace de la mort à chaque instant, proposèrent de quitter les barges et d’essayer de fuir à la nage dans un endroit sûr. Un des capitaines mit un terme à ce plan en menaçant de brûler la cervelle au premier qui entreprendrait de quitter ses camarades devant le danger qui les menaçait tous.

Le radeau en feu ne réussit pas à accomplir sa mission. Les flammes du feu allumé lors de son lancement furent éteintes peu à peu par l’eau et il n’était plus qu’une masse calcinée et noircie lorsqu’il atteignit les barges.

Nullement découragés par leur échec, les hommes sur la rive conçurent un nouveau plan incendiaire. Un embranchement de voie ferré partait de l’usine de transformation jusqu’à la rive où étaient amarrées les barges, avec une forte déclinaison. Un wagonnet fut apporté sur les rails et chargé de bidons remplis de barils de pétrole, de bois, de déchets et autres combustibles. le tas fut enflammé avec une torche. Les flammes s’élevèrent haut dans le ciel et le wagonnet en flammes dévala la pente. Des milliers d’yeux regardaient ce spectacle. Les Pinkerton le fixait du regard, le visage livide et les jambes tremblantes, convaincus que leur dernière heure était arrivée. Au loin, en retrait sur les collines, les femmes et les enfants regardaient ce qui était en train de se passer et criaient leur enthousiasme. Les tireurs posèrent leurs fusils et regardèrent en retenant leur souffle.

wagon

Certainement que ce montre de feu, qui semblait doué de vie alors qu’il dévalait la pente, allait s’écraser sur les barges et remplir sa mission avec une efficacité infernale.

Mais non. Malgré sa grande vitesse, le wagonnet s’arrêta soudainement lorsque les roues s’embourbèrent dans le sol détrempé au bord de l’eau, et les ouvriers furent à nouveau déconfits.
[…]

Le départ du Little Bill avait été le signal de la reprise de la fusillade, qui fut si soutenue qu’il n’y eut certainement pas moins de 1 000 coups de feu tirés en dix minutes.
[…]

Le président Garland et le vice-président Carney, de la Amalgamated Association, arrivèrent rapidement sur les lieux et furent accueillis avec les honneurs dus par le comité local. la personnalité bien connue de Mr. Garland était appréciée de tous les ouvriers. Il était profondément affecté par la gravité de la situation et exprima le regret que les événements aient atteint une telle extrémité lamentable. Un des dirigeants escorta les représentants officiels sur le front et ils purent vérifier, par observation personnelle, combien il y avait peu de chances pour une médiation entre les ouvriers et les hommes de Pinkerton, puisque chaque coup de feu tirés par ces derniers l’était pour venger la mort de leurs camarades. Le vice-président Carney déclara publiquement que si Mr. Frick avait accepté de renoncer à son exigence que l’échelle des salaires prenne fin au dernier jour de juin, au lieu du dernier jour de l’année, la question des salaires aurait pu être résolue à l’amiable et le carnage actuel évité.

A midi, un télégramme fut reçu au quartier général du comité consultatif, informant que le gouverneur avait refusé de faire appel à la milice et que le shérif descendait la rivière avec un groupe d’adjoints. Les gens n’étaient pas plus satisfaits de l’attitude du gouverneur que de sa décision d’envoyer le shérif et ses adjoints par ici si cela avait pour but d’introduire les Pinkerton à l’intérieur de l’usine.

Mais rien n’était plus éloignée dans l’esprit du shérif McCleary que l’idée de se rendre à Homestead alors que sifflaient les balles. Il consulta le juge Ewing, de la Cour d’Assises et quelques autres experts judiciaires, sans autre résultat que l’ordre de fermer les saloons de Homestead et de Mifflin,qui fut envoyé à midi, et un second message au gouverneur. Cette dernière communication comprenait une demande d’aide urgente, résumait les épisodes de la matinée à Homestead, déclarait qu’il n’avait « aucun moyen à sa disposition pour faire face à l’urgence » et que tout retard pour faire intervenir la troupe aurait pour conséquences un autre bain de sang et la destruction de l’usine.

Le gouverneur ne répondit pas à cet appel.

[…]

Peu après 13H, les hommes derrière les barricades tinrent un conseil de guerre et se mirent d’accord sur un nouveau plan pour une rapide destruction des barges.

C’était un moyen sûr de destruction, dont on pouvait être certain qu’il ferait le travail que le radeau et le wagonnet enflammés n’avaient pas réussi à faire. On s’était procuré une réserve de bâton de dynamite et une douzaine d’ouvriers téméraires commencèrent à bombarder les barges avec l’explosif mortel. Mais, d’une manière ou d’une autre, les bâtons de dynamite ne se montrèrent guère plus efficaces que les moyens utilisés auparavant. La plupart d’entre eux tombèrent loin du but et ceux, peu nombreux qui touchèrent les barges ne causèrent que peu de dommages.

dynamite C’est à peu près à ce moment, dit-on, que quelques-uns des hommes de Pinkerton, incapables de supporter plus longtemps l’angoisse et la tension, trompèrent la vigilance de leurs officiers et se suicidèrent par noyade. Le détective Atkinson, de New York City, fit cette déclaration dans un journal de Pittsburgh le lendemain de la bataille: « Lorsque nous vîmes qu’ils se préparaient à brûler les barges, j’ai chargé mon revolver et je me suis préparé à l’idée de me faire brûler la cervelle si le bateau était incendié. Je peux affirmer que pas moins d’une douzaine de nos hommes se sont suicidés ce jour-là. J’en ai vu quatre sauter dans l’eau et couler et on m’a dit que plusieurs autres avaient fait de même. » Les dirigeants de l’agence Pinkerton ont déclaré par la suite avoir examiné leurs registres et compté tous les hommes manquant, et que, sauf une exception, il n’y eut pas de cas de suicide.Le récit de Atkinson fut néanmoins corroboré par d’autres et est rapportée ici comme ayant, au moins, un fond de vérité.

Les nouvelles reçues par le télégraphe au quartier général du comité consultatif n’étaient pas de nature à décourager l’ardeur des défenseurs de Homestead ou à leur faire craindre les comptes qu’ils auront à rendre après avoir écrasé les Pinkerton dans le sang. D’abord, parvinrent les informations selon lesquelles le shérif avait jeté l’éponge et que le gouverneur avait renoncé à faire intervenir la milice. Puis des messages de sympathie et d’encouragement commencèrent à arriver, et, comme ils se multipliaient, s’ancra la conviction des hommes qu’ils se battaient non seulement pour eux-mêmes et pour leurs familles, mais aussi pour le syndicalisme dans son ensemble et que les yeux de tous les ouvriers du continent étaient tournés vers eux.C’était peut-être une conception extravagante, mais elle était grandement justifiée par le ton des télégrammes envoyés, offrant de l’aide et encourageant les hommes de Homestead à ne pas baisser les armes. Du lointain Texas arriva même la nouvelle que de l’artillerie serait expédiée par bateau à Homestead pour défendre la cause du syndicat. Pour de nombreux camarades frustres, héroïques à leur manière et facilement induits en erreur par les circonstances, il apparaissait probable que la destruction de ces deux barges remplies de gardes de Pinkerton n’était rien d’autre que le premier pas vers un conflit à l’échelle nationale, qui conduirait à l’avènement d’un millénaire industriel. Quasiment aucun d’entre eux n’imaginait que la loi chercherait réparation pour la mort des envahisseurs embauchés par Mr. Frick.

Une des informations la plus importante reçus par les ouvriers était transmise par une dépêche venue de Washington, D. C., selon laquelle le député Caminetti, de Californie, avait proposé une résolution au Congrès, énumérant les avantages accordés à Andrew Carnegie à travers les lois de protection tarifaire et appelant à la nomination d’une commission pour enquêter et publier un rapport sur les causes du lock-out de Homestead et ses conséquences sanglantes.

Il y eut des gens prudents et à la tête froide à Homestead qui essayèrent d’organiser une réunion publique dans le but de prendre des mesures pour arrêter le bain de sang et de faire évacuer les barges de Pinkerton barges par la rivière. Le plaidoyer de ces aspirants pacificateurs tombèrent dans les oreilles de sourds. En réalité, il était devenu dangereux de suggérer une cessation des hostilités aux oreilles des hommes qui avaient connu leur baptême du feu et ressenti cette soif de sang qui, dit-on est latente chez la plupart des hommes. Celui qui parlait de discuter avec « les bouchers de Pinkerton » soulevait la suspicion d’être un lâche ou un traître.

surrender1Chapitre VII

La reddition

A 15H, le président William Weihe, de la Amalgamated Association, arriva de Pittsburgh, porteur d’une proposition venant du shérif. Il était accompagné par le vice-président C.H. McEvay, de Youngstown, Ohio; le secrétaire Charles Johns et d’autres dirigeants et membres en vue de l’association.

[…]

Il y eut une accalmie lorsque la nouvelle se répandit que les dirigeants de la Amalgamated désiraient s’adresser aux hommes. La réunion générale que quelques citoyens de la ville avaient essayé d’organiser sans succès pouvait désormais l’être rapidement et sans difficultés notoires, car les ouvriers tenaient le président en grande estime et étaient très désireux d’entendre l’avis qu’il pourrait leur donner. La réunion eut lieu dans un bâtiment de l’usine. Mr. Weihe s’adressa à la foule, expliquant qu’il était là suite à un accord avec le shérif, pour proposer que les Pinkerton soient autorisés à quitter les lieux avec la promesse de ne pas revenir. Il s’étendit sur la barbarie que constituait le fait de poursuivre la bataille jusqu’à ce qu’elle se termine par un massacre complet et souligna que les ouvriers étaient déjà victorieux et pouvaient se permettre de se reposer sur leurs lauriers en évitant de ternir le nom respecté de Homestead en commettant ce que le monde considérerait comme une offense envers l’humanité.

Mr. Garland, qui était juché sur une chaudière servant d’estrade, poursuivit par un vibrant appel au sens des responsabilités de ses auditeurs. « Pour l’amour du ciel, soyez raisonnables, camarades,  » cria t-il, « Ces hommes ont tué vos camarades mais vous n’obtiendrez rien de bon en en tuant davantage. Vous avez sans doute déjà pris deux vies pour une. »

Un grondement de désapprobation accueillit ce discours. « Nous aurons la peu du reste de ces bandits, » cria un chœur de voix en colère. « Faisons-les sauter sur l’eau ou brûlons-les vivants. » « De la discipline, de la discipline! » crièrent d’autres voix et le reproche s’accompagna de quelques solides coups de matraques et de poings qui eurent pour effet de réduire au silence les éléments turbulents pour un moment.

« Si vous autorisez ces hommes à partir, » poursuivit Mr. Garland, « vous montrerez au monde que vous souhaitez la paix et l’ordre en même temps que le respect de vos droits. L’opinion publique continuera à soutenir votre lutte. »

Une clameur de désapprobation accueillit de nouveau les paroles de l’orateur. On entendit de tous côtés les cris de « Tuons-les! « , »Brûlons-les! », mais quelques-uns crièrent bientôt « Laissons-les partir! ».

Mr. McEvay prit ensuite la parole. « Aujourd’hui, » dit-il, « vous avez remporté une victoire telle que l’on en a jamais connu dans l’histoire des luttes entre le capital et le syndicat. » Une immense ovation accueillit cette introduction diplomatique. « Mais, » reprit l’orateur, « si vous ne laissez pas partir ces hommes, l’armée sera envoyée et vous perdrez tout ce que vous avez gagné. Nous n’avons aucune garantie, mais nous espérons qu’une réunion de concertation pourra être organisée. Il est sûr, qu’après cette leçon, les hommes de Pinkerton ne reviendront jamais ici. » L’ovation se fit de nouveau entendre lorsque Mr. McEvay eut terminé et les cris de « Laissons-les partir » s’amplifièrent.

Mr. Weihe saisit cette occasion pour proposer qu’un bateau à vapeur soit autoriser à remonter la rivière et à remorquer les barges. « Est-ce que cela sera le Little Bill? » demanda quelqu’un et un nouveau brouhaha s’éleva. Mais la promesse de Mr. Weihe que l’on s’assurera les services d’un bateau offrent toutes les garanties eut un effet apaisant et la réunion prit fin laissant l’impression chez les dirigeants que les Pinkerton pourraient partir.

Les nouvelles de ce qui s’était dit lors de la réunion se répandirent rapidement à travers la ville, atteignant même les ouvriers infatigables qui avaient jeté du pétrole sur les barges et qui étaient maintenant occupés à les bombarder avec des chandelles romaines, fusées et autres feux d’artifices— des surplus du quatre juillet obtenus dans les magasins.

trip of terror

Hugh O’Donnell saisit cette opportunité pour plaider à nouveau pour la paix. Attrapant un petit drapeau américain, l’intrépide jeune dirigeant grimpa sur un amas de ferraille et demanda l’attention d’un millier d’hommes environ rassemblés autour de lui. O’Donnell commença son discours prudemment, commentant la situation jusqu’à ce qu’il sente le pouls de son auditoire et qu’il soit sûr d’avoir sa sympathie. Après s’en être assuré, il proposa un plan pour un dénouement pacifique, suggérant une trêve et que les ouvriers en prennent l’initiative en déployant un drapeau.

« Un drapeau blanc? Jamais, » fut la réponse unanime. « Si un drapeau blanc doit être déployé, il doit venir des bateaux. »

Cela amena O’Donnell où il voulait en venir, « Que ferons-nous ensuite? » demanda t-il.

« Nous les garderons dans les bateaux jusqu’à ce que le shérif arrive et nous obtiendrons la garantie que des mandats soient délivrés contre tous pour meurtre. Ensuite, le shérif les prendra en charge, » dit un homme et, assez curieusement, vu l’humeur dont les hommes avaient fait preuve quelques instants auparavant, cette proposition relativement modérée reçut des cris d’approbation unanimes.

O’Donnell, satisfait de ce dénouement pacifique, descendit et rejoignit les hommes, consolidant la résolution qui venait d’être prise. Pendant ce temps, les Pinkerton s’étaient réunis entre eux. La majorité était favorable à une reddition et obligea les capitaines, qui s’obstinaient encore à résister, à céder. Un drapeau blanc fut hissé sur le Iron Mountain, et cette fois personne ne tira dessus.

A la vue du drapeau, les ouvriers applaudirent et des cris de « Victoire! » « Nous les tenons maintenant, » « Ils se rendent, », déchirèrent l’air.

[…]

Comme si il s’agissait d’un plan concerté, la foule sur la rive forma deux rangées de 500 mètres de long, entre lesquelles devaient passer les hommes des barges. Lorsque émergea le premier homme de Pinkerton de l’Iron Mountain, on vit qu’il portait sa Winchester. « Désarmez-le, » cria la foule, et aussitôt tous les gardes durent lâcher leur arme.

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Puis tous les Pinkerton sortirent, avec une piteuse allure, marchant, courant ou se traînant du mieux qu’ils pouvaient. Les tous premiers passèrent entre les rangées sans être molestés, parmi les huées, les railleries et les insultes. Soudainement, la fureur de la foule se déchaîna. Un homme gifla un garde. L’exemple fut contagieux. Des matraques et des pierres furent utilisé avec une férocité démoniaque.Les femmes, transformées maintenant en véritables furies, frappaient les janissaires de Mr. Frick avec des matraques, leur jetaient des pierres, leur crachaient dessus. Les uniformes haïs des Pinkerton étaient déchirés et jetés à la rivière. Les appels à la pitié étaient accueillis avec dérision.

[…]

On ne peut pas imaginer spectacle plus désolé que celui que présentait ces hommes lorsqu’ils furent rassemblés après les horreurs des combats sur les barges et de la marche jusqu’à la patinoire. Après un décompte précis, cent quarante trois des survivants souffraient de blessures ou de contusions douloureuses et ceux qui, par chance extraordinaire, s’en étaient sortis indemnes, étaient à demi morts de peur ou d’épuisement.

Ils furent enfermés sous bonne garde jusqu’aux environs de minuit dans la patinoire. Entre temps, une réunion eut lieu entre la municipalité et le comité représentant les ouvriers, lors de laquelle il fut décidé de faire venir le shérif à Homestead pour venir chercher les Pinkerton, dont la présence en ville représentait une incitation permanente au désordre. Le shérif s’y rendit donc et arriva par train spécial à 23H en compagnies des dirigeants de la Amalgamated Association et de W.J. Brennen, avocat de l’association. Les Pinkerton furent conduit en hâte, aussi rapidement que leur état le permettait, jusqu’au train, mis en sécurité dans les wagons et emmenés à Pittsburgh.

[…]

NDT : Conclusion

Il y eut 7 ouvriers tués — Joseph Sotak, John E. Morris, Silas Wain, Thomas Weldon, Henry Striegel, George W. Rutter et Peter Farris. Le nombre officiel du côté des agents de Pinkerton est de trois selon les registres du médecin légiste du comté de Allegheny.

Le 10 juillet, le gouverneur fait appel à l’armée et à la milice de Pennsylvanie. Sous leur protection, les premiers ouvriers non-syndiqués rallument les fourneaux le 15 juillet.

Le lendemain, une lettre est envoyée aux ouvriers lock-outés, informant que les candidatures « individuelles » pour un emploi seront reçues jusqu’au jeudi 21 juillet. Le souhait de la société étant de réembaucher les anciens ouvriers qui n’ont pas participé aux troubles.

Le 22 juillet, les premiers ouvriers non-syndiqués sont transportés par bateau de Pittsburgh à Homestead, et les arrivées se répéteront les jours suivants.

Burgess John McLuckie fut le premier arrêté pour meurtre. Le mandat comprenait aussi les noms de Hugh O’Donnell, Sylvester Critchlow, Anthony Flaherty, Samuel Burkett, James Flannigan et Hugh Ross. Après audition, ils seront laissés en liberté sous une caution de 10 000$ chacun.

C’est dans ce contexte que se déroula la tentative d’assassinat de Frick par Alexandre Berkman.Selon Arthur G. Burgoyne, la réaction des ouvriers de Homestead fut négative:

« A Homestead, on déplora beaucoup cet acte et les ouvriers pensaient que, même si Berkman ne les représentait pas, pas plus que leur cause, cet acte lâche allait certainement porter préjudice à leurs intérêts. »

Le 30 septembre, un mandat d’arrêt fut délivré contre une trentaine d’ouvriers, dont Hugh O’Donnell,

La fin de la grève est votée le 21 novembre.

Deux semaines après, 3 121 ouvriers avaient repris le travail, mais sur les 2 715 hommes qui avaient demandé leur réintégration, seulement 406 avait obtenu une embauche, les autres étant sous statut de journaliers.

Le 18 novembre 1892, Sylvester Critchlow fut le premier ouvrier à passer en procès pour le meurtre de T. J. Connors. Il fut acquitté. Il fut suivi par Jack Clifford le 2 février 1893, qui sera également acquitté. Le dernier ouvrier à passer en procès sera Hugh O’Donnell le 13 février. Après son acquittement, les charges contre tous les autres ouvriers seront abandonnées.

Sur le plan social, le lock-out, puis la grève, furent des échecs. Les salaires, à la reprise du travail, étaient plus bas encore que ceux proposés dans l’échelle des salaires par la société Carnegie. La Amalgamated Association of Iron and Steel Workers n’existait plus à Homestead.

 

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