Les Raids Palmer

Les raids Palmer, du nom du procureur général des États-Unis, Alexander Mitchell Palmer, ont été menés en novembre 1919 et janvier 1920. Ces vastes coups de filets visaient les radicaux, et tout particulièrement les anarchistes, issus de l’immigration.

A l’entrée en guerre des États-Unis, le 6 avril 1917, presque un tiers des américains étaient des immigrants de première ou deuxième génération, et ceux d’origine allemande, en particulier, furent suspectés de déloyauté.

Plus tard, la révolution bolchevique et la montée du socialisme en Europe, ont accru le sentiment anti-immigrants et l’a généralisé aux immigrants soi disant communistes ou syndicalistes.

En juin 1917, le Congrès vote le Espionage Act, qui prévoit de lourdes amendes et des peines de prison pour des activités définies vaguement comme étant opposées à la guerre.

Les Industrial Workers of the World – IWW furent particulièrement visés. En septembre, les salles de réunions des IWW sont perquisitionnées par les agents gouvernementaux et plus de 160 militants et sympathisants arrêtés. Cent un d’entre eux, y compris leur dirigeant, Big Bill Haywood, passent en procès en avril 1918. Tous sont reconnus coupables et Haywood et quatorze autres sont condamnés à vingt ans de prison. Le montant total des amendes atteint 2 500 000 $. Les IWW sont virtuellement détruits.

raids IWW

En mai 1918, le Congrès vote le Sedition Act, qui prévoit une amende de 10 000 $, ou une peine de prison de vingt ans, ou les deux, pour quiconque qui tient, imprime, écrit ou publie des propos déloyaux, profanes, calomnieux ou violents sur la forme de gouvernement des États-Unis.

Puis, en octobre de la même année, le Congrès vote une nouvelle loi, le Alien Act, selon laquelle tout étranger, qui, à son entrée dans le pays se révèle être, ou est devenu après, membre d’une organisation anarchiste, pourra être expulsé.

Le dirigeant syndical socialiste Eugene V. Debs fut ainsi condamné à 10 ans de prison pour avoir fait un discours contre la guerre.

Après l’armistice de novembre 1918, la révolution en Russie fait craindre aux autorités américaines une recrudescence de l’agitation sociale qui avait connu une pause pendant la guerre. En février 1919 éclate une grève générale à Seattle pour demander l’augmentation des salaires bloqués depuis l’entrée en guerre du pays, mais le gouvernement y voit une tentative de déstabilisation des institutions, même si la grève ne dure que cinq jours.

En avril et juin 1919, les partisans de Luigi Galleani mènent une campagne d’attentats. Une trentaine de lettres piégées sont envoyées à des représentants gouvernementaux et hommes d’affaire, dont une à Alexander Palmer lui-même. Cela marque le début de la croisade « anti-rouge »

En août 1919, Palmer nomme le jeune J. Edgar Hoover à la tête de la General Intelligence Division du ministère de la Justice, où Hoover va se consacrer à ce qui sera l’occupation de toute une vie : la collecte et la mise en fiches d’informations sur tout ce qui se situe à gauche du parti républicain.

red in US

A partir de début novembre 1919, entre 5 000 et 10 000 résidents étrangers « suspects » sont arrêtés sans mandat, en raison de leur appartenance syndicale ou politique. La Union of Russian Workers est particulièrement visée. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1919, la police intervient violemment à la « Maison de Peuple », le local new-yorkais de la URW et arrête une centaine de personnes dont une cinquantaine seront maintenus en détention en vue d’une possible expulsion du pays. 1

Les raids Palmer se poursuivront jusqu’en janvier 1920.

Le 21 décembre 1919, le Buford quitte New-York avec, à son bord, parmi les personnes expulsées Emma Goldman, Alexandre Berkman et Pierre Bianki 2, dirigeant de la Union of Russian Workers. Des 249 passagers, 180 étaient membres de la URW

Le zèle de Alexander Mitchell Palmer, finit par exacerber le ministère du travail, qui lui servait de source d’informations pour identifier les étrangers membres d’organisations syndicales ou politiques radicales, avec l’étroite collaboration de Hoover. Sa prédiction fantaisiste d’un soulèvement le 1er mai 1920 pour renverser le gouvernement américain met un terme aux raids.

Palmer menace US

Mais la leçon, non retenue, est que les institutions démocratiques d’un pays, ici le Premier Amendement de la Constitution américaine, ne pèsent pas lourd face à la paranoïa d’un Palmer et d’un Hoover. Ce dernier continuera à en faire la démonstration tout au long de sa sinistre carrière qui culminera dans les années 1960 – 70 avec le programme COINTELPRO.

1 IWW and Russian People’s House Raided:Men are Clubbed Without Mercy; 52 Held for Exile New York Call, 8 Nov. 1919

2 Sur Bianki, voir, par exemple, Peter Bianki: the Soviet years Malcolm Archibald

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Voir également sur le sujet

World War I and the Suppression of Dissent Wendy McElroy 

For a World Without Oppressors:” U.S. Anarchism from the Palmer Raids to the Sixties Andrew Cornell